La bataille de l’emploi !
Entretien avec Thibault Guilluy, Haut-commissaire à l’emploi et à l’engagement des entreprises


La création d’un service public d’insertion, s’appuyant sur l’entreprise, mais aussi sur un écosystème facilitant cette inclusion dans
l’emploi est l’ambition que porte Thibault Guilluy. Les leviers sont multiples, de la Responsabilité sociétale des entreprises, à la
commande publique en passant par des incitations et la valorisation d’initiatives de cette nature.


Quelle est votre mission, l’étendue de vos responsabilités ? Quels sont les grands leviers ? Les dispositifs en place ou à prévoir ?
Ma mission, c’est, par le prisme de l’emploi, de contribuer à bâtir une société inclusive. De développer les pratiques et la capacité à inclure dans la société et en particulier au niveau du marché de l’emploi, tout employeur confondu (privé, public, associatif…).
Inclure, c’est faciliter l’accès à l’emploi, mais aussi donner à chacun la possibilité de développer et exercer ses potentialités et ses compétences. Il faut reconnaître une forme de violence à ne pas reconnaître le potentiel des personnes. Et en facilitant cette insertion, c’est la performance économique et la cohésion sociale que nous obtiendrons.
Cette action menée avec la Ministre du Travail, est une action interministérielle, une action du gouvernement collectivement. Elle demande de tenir les deux bouts du problème :
– Agir au niveau des individus, avec leurs spécificités, leur potentiel et projet en coupant les biais discriminants, en développant l’insertion, la formation, l’accompagnement, par la politique sociale…
– Agir au niveau du collectif, pour développer un écosystème incitant à l’inclusion. Cet écosystème, ce sont les employeurs, les associations, les initiatives de tous types. Et c’est le parent pauvre du dispositif, mais l’élément clé : on ne fera rien si l’entreprise est cadenacée.
L’objectif, c’est que cela devienne une évidence, exactement comme il apparait maintenant évident à presque tous qu’il faut trier ses déchets ou veiller sur la sécurité au travail ! Pour cela, il faut agir sur plusieurs leviers :
– La persuasion, la sensibilisation et l’information, la valorisation de cette action (des Prix, des Labels et baromètres, …),
– L’augmentation des savoir-faire (l’achat inclusif, le recrutement inclusif, le management inclusif… ce sont des compétences qui s’apprennent.
– Il faut des outils fins, adaptés à la taille des entreprises, celles qui ont des fortes marges et les autres, Par exemple, identifier les prestataires inclusifs pour les valoriser et stimuler l’achat inclusif
– L’incitation et le Règlement : la Commande publique est un levier important ; la valorisation de l’image des entreprises auprès des jeunes, la réduction des charges si l’employeur prend sa part dans l’accompagnement des personnes en difficultés …

L’objectif de Responsabilité Sociétale des Entreprises est donc mis en œuvre ?
Cette Responsabilité Sociétale des Entreprises est à la fois un choix individuel des entreprises, une obligation collective, ainsi qu’une co-construction et une régulation collective !

Ce mix de l’action collective et individuelle qui créera la dynamique d’acteurs apte à générer peu à peu la prise de conscience
collective.

C’est une initiative que prennent les entreprises qui choisissent dans toute une gamme d’actions qui va du ripolinage RSE à l’action stratégique. Mais il y a aussi des obligations (par exemple le recyclage des déchets). Et c’est ce mix de l’action collective et individuelle qui créera la dynamique d’acteurs apte à générer peu à peu la prise de conscience collective. L’évidence à mener des actions inclusives deviendra aussi forte que celle de trier des déchets. Cette co-construction, cette régulation collective, est la meilleure méthode, c’est ma conviction.

Quel est le rôle des territoires dans cette marche pour une société inclusive ?
Je viens de l’ESS et ma conviction est là aussi que c’est sur les territoires et à leur échelle que se joue cette opération, sur les bassins de vie et d’emploi : la dynamique des PTCE (Pôles Territoriaux de Coopération Économique), des start-up de Territoire, la French Impact est essentiellement territoriale ! L’animation menée pour l’inclusion trouve un sens au niveau du territoire. Mais cette politique d’emploi est mal outillée : nous sommes en train de créer des plateformes de l’inclusion, qui géolocalise l’offre de services inclusifs, les initiatives inclusives, les offres d’emploi et les mettent en rapport avec les besoins, les recherches individuelles.
Cette cartographie dynamique inclusive est une étape. Nous aurons aussi besoin de créer une 3e couche de services : la gouvernance duService public d’inclusion. Il doit être possible de se comparer, de s’instruire collectivement en comparant les expériences de tel ou tel bassin d’emploi, de créer des coopérations entre territoires. Les Plateformes ne sont que des tuyaux, seule l’implication collective et la coopération fera naître un vrai service au bénéfice de l’emploi des jeunes et des autres.

Propos recueillis par Didier Raciné, rédacteur en chef d’Alters Média

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