
Dans les deux vagues du COVID-19 l’entreprise familiale Larbaletier a su rebondir. L’analyse que fait de cette période sa DG est très révélatrice des moteurs de l’entreprise, des stratégies adoptées, des risques qui restent à maîtriser : ils sont communs à de très nombreuses entreprises ! Comment anticiper sur les prochaines crises ? Une leçon du terrain !
Pouvez-vous nous parler de votre entreprise, avant la première vague du COVID ?
Entreprise familiale de 40 ans, spécialisée dans les agencements de magasins alimentaires (indépendants ou de groupes intégrés – Casino…) et dans de nombreux domaines (d’abord les jardineries, les fleuristes puis l’alimentaire : rayons fruits et légumes, boulangerie, marée, décoration, abri vélos, parking…) Larbaletier1 est une PME de 17 Millions d’euros de CA. Nous sommes une entreprise intégrée, de la conception à la mise en place chez nos clients avec 30 000 m2 d’usine, nous travaillons environ 900 tonnes d’aluminium, 450 tonnes d’inox…
En 2012, nous nous sommes lancés dans une nouvelle aventure : l’€cobox ! Il s’agit d’une machine qui trie et transforme la bouteille plastique sur place en matière première valorisable (du plastique débité en paillettes), ce qui permet de ne passer par l’aplatissage, ni transporter du vide. Le monde du recyclage est un monde fermé et le démarrage s’est fait lentement, les machines ont été perfectionnées, mais peu à peu le système s’impose : il raccourcir le circuit du recyclage. Il représente 10 à 25 % de notre chiffre d’affaires.
Comment avez-vous réagi lors de la 1ère vague de la COVID ?
Nous nous sommes, mon mari et moi, confinés dans nos bureaux, et nous nous sommes mis en mode start-up avec une équipe d’une petite dizaine de salariés volontaires et fidèles, pour trouver des solutions adaptées à la situation. En contact avec nos clients, nous avons vite compris leurs besoins en protections sanitaires dans les magasins. Des produits économiques de protection « pare postillons » en alu et plexiglas, des arches de désinfection de caddies, des bornes de désinfection… sont alors nés, ont été testés par les clients. Un industriel local nous a fourni de la solution hydroalcoolique (l’éthanol), fabriquée à base de betteraves. Ces produits de différenciation pour nous étaient aussi des produits de différenciation de nos clients vis-à-vis d’autres Groupes. Les clients satisfaits ont fait le buzz (les présentations sur le site des magasins Leclerc ont fait 700 000 vues). L’important était que les clients des magasins puissent être rassurés (et fassent eux-mêmes l’essai de désinfection des caddies par exemple).
Nous avons également rassuré nos collaborateurs en préparant les postes de travail et en apportant les solutions de protection individuelle (masques, gants…). Ils ont joué le jeu et 80 % étaient volontaires pour travailler avant la levée du confinement.
L’ADN de l’entreprise, c’est d’écouter le client : nous sommes une entreprise familiale, et nous devons notre développement à notre capacité de répondre aux besoins de nos clients, avec une grande réactivité. C’est ce qui fait notre force par rapport à de grandes entreprises. On va chez les clients et ils ne viennent pas vers nous avec un Cahier des Charges. Nos concurrents ce sont de grands groupes, ils n’ont pas la même ambiance de travail.
Alors qu’il y avait des difficultés pour livrer, nous sommes allés livrer nous-mêmes. Nous testions nos produits chez les clients. Nos produits sont faits pour durer : les arches de désinfection resteront au-delà de la crise sanitaire car les gens voudront continuer à se désinfecter les mains et leur caddie, car l’efficacité de la désinfection par les arches sera à l’identique contre grippes et gastroentérites.
Ce seront des éléments de différenciation. Bien sûr, nous avons protégé nos produits par des Brevets.
Vous avez été reconnue comme entreprise pilote en matière de RSE. Qu’est-ce que cela vous apporte ?
La labélisation de Responsabilité Sociétale de Generali nous a beaucoup guidé :
– La réflexion en profondeur sur ce que nous faisons, la réflexion sur les risques que nous traversons aident beaucoup à prendre de la distance et trouver de nouvelles solutions. Cette approche d’analyse des risques, et de Responsabilité sociétales de l’Entreprise est très stimulante.
Nous nous sommes mis en mode start- up. En contact avec nos clients, nous avons vite compris leurs besoins en protections sanitaires dans les magasins.
– Le parcours de la labélisation nous a permis de mettre en avant nos forces et faiblesses et ainsi pouvoir les retravailler, mais aussi nous en servir lors des audits Clients de plus en plus fréquents.
– Nous employons dans certains ateliers des personnes en situation de handicap et c’est une grande force, car dès qu’ils se sentent reconnus, valorisés, ils deviennent un exemple pour les autres salariés.
Quels sont vos principaux risques ? Qu’est-ce qu’il faudrait améliorer ?
Dans la situation de crise sanitaire, notre première inquiétude porte sur le risque que 50 % de nos effectifs tombent malades.
La seconde porte sur l’approvisionnement : il est difficile de tout trouver en France et en Europe. Une partie se trouve en Asie, dont certains composants électroniques essentiels. Mais il s’agit d’une problématique globale.
Les compétences peuvent s’acquérir mais nous sommes inquiets en ce qui concerne la motivation des générations à venir : il est délicat de trouver les clés pour leur épanouissement, ils ne se réalisent pas dans le travail, ils ont du mal à y trouver de la fierté.
Nous sommes favorables à l’apprentissage, mais à la condition que le Tuteur soit formé et les professeurs devraient se rapprocher des entreprises, pour définir ensemble nos besoins.
La réflexion en profondeur sur ce que nous faisons, la réflexion sur les risques que nous traversons aident beaucoup à prendre de la distance et trouver de nouvelles solutions. Cette approche d’analyse des risques, et de Responsabilité sociétales de l’Entreprise est très stimulante.
La robotisation n’est chez nous pas un besoin immédiat, étant fortement équipé. Cette année nous avons réduit nos investissements machines pour nous concentrer sur un système informatique global pour non seulement aller vers le zéro papier, mais améliorer la qualité de nos transmissions du client à la livraison.
Les risques de retournement ou d’évolution défavorable du marché existent aussi : avec le problème du travail à distance, le snacking (et donc les étals pour les produits chauds, qui était un nouveau marché) à tendance à baisser. Les personnes ont tendance à aller vers les petites surfaces de proximité, plus conviviales : nous avons pris ce virage et le suivons en termes de produits.
La perte de clients important ? C’est effectivement un souci, car les grands groupes intégrés peuvent changer leur stratégie très rapidement et nous devons donc réagir…
Qu’est-ce qui pourrait vous aider ?
Nous sommes une entreprise familiale et nous souhaitons le rester, afin de garder notre autonomie de décisions et pouvoir investir à long terme dans la formation de nos salariés et nos outils de travail.
Nous souhaiterions qu’il y ait moins de frein à la succession : il est difficile de transmettre une entreprise en France.
Propos recueillis par Didier Raciné et Louis-Rémy Pinault