
Le développement industriel du Pays passe aussi par la transformation profonde des Parcs Industriels, leur intégration dans un réseau territorial, la construction d’un espace de vie, beau, agréable à vivre, arboré et ouvert à la biodiversité, la mise en place de services aux entreprises mais aussi à leurs employés tels que transport, formation, club de loisir, lieu d’échange…
C’est ce qui est fait au sein du PIPA et c’est une des raisons pour lesquelles il se développe même en période de pandémie. Ce pourrait être fait pour les territoires d’Industrie !
En 2020, année très particulière, et malgré les difficultés, le parc a pu créer 400 emplois, dont 300 en CDI. Donc, le modèle que nous proposons non seulement attire toujours, mais est devenu un label de qualité.
Le fait que la Région ait pris la majorité dans le « tour de table » du Syndicat mixte est un élément « promotionnel ». Ceux qui viennent s’installer dans le PIPA sont d’abord intéressés par Lyon. Mais nous avons aussi un certain nombre d’atouts : le volet fiscal clair et net, la proximité de l’aéroport international Saint-Exupéry, les infrastructures de transport.
Le volet environnemental et l’engagement dans les énergies nouvelles est aussi un vecteur important de notre image. Par exemple, GEFCO, une entreprise spécialisée dans le domaine du transport des véhicules, a créé des ombrières solaires sur une superficie de 14 ha, grâce à quoi l’électricité produite est équivalente à la quantité nécessaire pour alimenter une collectivité de 30 000 habitants (hors chauffage). Une autre action, Plaine énergie, est une recherche sur le procédé de méthanation, menée par le PIPA et la CCPA, avec GRTgaz et le groupe Séché mais aussi une start-up (ENOSIS) et une école d’ingénieur (INSA de Lyon). Il s’agit d’un procédé de création douce de méthane pour recycler nos résidus de déchèteries et boues de station d’épuration.
Nous sommes complètement inscrits dans la création des énergies nouvelles qui est devenu un marqueur qui s’accélère à l’heure actuelle, naturellement, sans aucune considération ou pression « militante ». Le cadre de vie et d’activité, la beauté de certains endroits du Parc, des usines dans un cadre vert, la ligne des monts du Bugey font partie de nos atouts.
Vous avez évoqué la dimension internationale du PIPA. Combien d’entreprises de taille internationale et d’entreprises étrangères accueillez-vous ?
Parmi les implantations récentes citons
– L’entreprise française K-Line qui fait des fenêtres et des portes-fenêtres de très haute qualité avec l’ambition de conquérir les marchés allemand, italien et suisse.
– L’entreprise chinoise, Dowell & Yidai Cosmetics, s’est implanté récemment sur notre Parc pour apposer « Made in France » sur leurs produits, ce qui est un marqueur de qualité pour les cosmétiques.
– Le groupe suisse Utz qui fabrique des containers pour la logistique et le transport des produits à l’intérieur des usines.
– Le groupe Italien Barilla, le groupe belge Vandemoortele, les laboratoires pharmaceutiques Arrow, initialement créés à Lyon, puis rachetés par un groupe indien spécialisé dans les médicaments génériques, sont d’autres exemples.
Nous sommes sollicités par des entreprises venant du monde entier.
Pouvons-nous dire qu’il s’agit de la « relocalisation » ou d’implantation sur le territoire français des groupes internationaux ?
Nous avons lancé l’idée d’organiser « La rentrée du PIPA », un forum avec l’objectif de susciter une discussion sur un sujet particulier entre grands patrons et nous avions ainsi décidé d’inviter en 2020 les PDG et les directeurs d’un certain nombre d’entreprises du PIPA, spécialisées dans le sanitaire et le pharmaceutique : les laboratoires Arrow, Biomérieux, le groupe Séché et l’entreprise ORAPI qui travaille dans ce secteur, notamment dans la production du gel hydroalcoolique. C’était un événement intéressant puisqu’il a permis de montrer la complexité et la difficulté de rapatriement de la production des médicaments en France : aujourd’hui c’est la Chine qui bénéficie quasiment d’un monopole dans ce domaine. Même l’Inde ne peut pas produire un certain nombre de médicaments parce que les principaux principes actifs sont produits en Chine.
Le renforcement de l’industrie pharmaceutique en France est un enjeu crucial, objet important du travail de nos services de santé. Nous avons pris conscience de la difficulté de faire revenir tout ce qui est parti. Il est plus facile de parler de la « localisation » des produits en France que de la « relocalisation » parce qu’il y a aujourd’hui des réalités de coûts qu’il est difficile d’ignorer. Par contre, dans le cas de tous les produits nouveaux, y compris des médicaments nouveaux – parce qu’il y a des brevets qui les protègent – la production en France est rentable ; bien sur quand le brevet « tombe », c’est fini… Les nouveaux produits sont des niches pour la réindustrialisation de la France.
Il est plus facile de parler de la « localisation » des produits en France que de la « relocalisation » parce qu’il y a aujourd’hui des réalités de coûts qu’il est difficile d’ignorer.
La Suisse a qualifié un certain nombre de produits comme stratégiques, ne devant pas être importés. On pourrait appliquer la même approche chez nous, sans la généraliser, juste pour certains produits de première nécessité comme les médicaments ou l’alimentation.
Les nouveaux enjeux énergétiques doivent être majoritairement made in France, comme notamment l’hydrogène qui est une façon de stocker de l’énergie et puis de la récupérer sans pollution.
Sans une telle approche volontaire, il sera difficile de produire – à coûts de production plus élevés – ce type de produits en France.
Est-ce que la taille importante du PIPA est un atout, voir un facteur clé ?
Oui, c’est notamment grâce à notre envergure que nous avons pu créer 400 emplois malgré le contexte difficile lié à la pandémie. La force de notre modèle réside aussi dans le fait que nous pouvons défendre une politique, que nous pouvons dire « non », c’est-à-dire refuser certaines demandes d’implantation, pouvant déséquilibrer notre territoire ce qui a été, récemment le cas d’Amazon.
Quelles sont les dimensions humaines et sociales du succès du PIPA ?
La première dimension sociale du PIPA, c’est la réponse au problème d’accès quotidien au Parc. Pour faciliter l’accès, nous avons mis en place un système de covoiturage rémunéré que certains appellent « Uber-PIPA » ; l’expérimentation a duré pendant un an et demi et s’est malheureusement heurté à l’arrivée de la COVID-19, qui en a limité l’efficacité.
Deuxième aspect : la possibilité de trouver des lieux de détente à proximité du Parc. La commune de Saint-Vulbas qui accueille le parc industriel offre déjà un certain nombre de facilités importantes, par exemple un magnifique complexe piscine/remise en forme, avec un personnel spécialisé.
Nous, de notre côté, avons mis trop d’accent sur la culture des services, sur les « cols blancs ».
En ce qui concerne les aspects environnementaux, nous pouvons dire que nous sommes véritablement remarquables : nous avons par exemple une charte paysagère que les constructions doivent respecter, qui va jusqu’à préciser les plantations à utiliser en essences locales, pour préserver la biodiversité. Au-delà du parc, la communauté de commune de la Plaine de l’Ain a été lauréate du « Marathon de la biodiversité » qui vise, notamment, à créer 42 km de haies et à réhabiliter 42 km de mares pour conserver la biodiversité.
Quelles sont les initiatives du Parc dans le domaine de la formation ?
Oui, des formations ont été mises en place à l’initiative du Club des entreprises du PIPA dans le domaine de la logistique appelées « Compagnons de la logistique », cette formation, initialement professionnelle, est dorénavant une vraie formation diplômante encadrée par l’Éducation nationale et dotée par la région d’un plateau technique remarquable au Lycée Berard d’Ambérieu en Bugey.
Il y a, d’autres métiers qui mériteraient la même évolution, par exemple ceux de la maintenance, ou les soudeurs, les chaudronniers… Mais, malheureusement, ici on doit faire face un autre problème qui ne relève pas de l’Éducation nationale : la désaffection des jeunes pour ces professions ; les jeunes ne veulent plus y aller… Puisqu’il n’y a plus de « vivier » de personnes qui s’inscrivent, un certain nombre de formations ont dû être déprogrammées. Donc, il faut aussi valoriser ses métiers auprès de notre jeunesse, les attirer vers les « vrais métiers ». C’est un problème culturel : il suffit de traverser la frontière et aller en Suisse ou en Allemagne où on voit clairement à quel point la culture technique et forte. Nous, de notre côté, avons mis trop d’accent sur la culture des services, sur les « cols blancs ». Aujourd’hui la France a perdu son rang dans l’industrie et c’est un crève-cœur. Nous devons comprendre que, s’il n’y a plus d’industrie, il n’y a plus de services.
L’« intelligence de la main », qui est trop oubliée, et pourtant fondamentale.
Le problème principal de la réindustrialisation, c’est qu’il faut des gens qui travaillent pour l’industrie. Enfin il faut valoriser l’« intelligence de la main », qui est trop oubliée, et pourtant fondamentale.
Dans ce contexte, la formation est absolument vitale. Par exemple, à proximité du PIPA il y a Transpolis, une ville-laboratoire pour l’étude des transports de demain, créée à l’initiative de l’Institut français des sciences et technologies de transport, de l’aménagement et des réseaux (IFSTTAR) et encadrées aujourd’hui, après la transformation de l’IFSTTAR, par l’Université Gustave-Eiffel. Et aujourd’hui Transpolis dispose d’un potentiel important de formation dans ces métiers d’avenir, j’espère que ce potentiel se concrétisera vite.
Un peu plus loin, il y a la base aérienne où Antoine de Saint-Exupéry a passé sans baptême de l’air : la région va implanter ici une académie aéronautique – sur l’idée de l’Aérocampus de Bordeaux – pour la formation, aux métiers de l’industrie aéronautique et des sous-traitants dans ce secteur très nombreux dans la région Auvergne Rhône-Alpes.
Les parcs industriels peuvent-ils faciliter l’apprentissage ?
Certainement, mais il s’agit d’abord de valoriser les métiers de l’industrie auprès des jeunes et des moins jeunes.
Quelle est la nature du lien entre le PIPA et le territoire ?
J’ai assumé la présidence du Parc industriel quand j’étais déjà Président de la Communauté de communes, avec l’objectif de les faire travailler ensemble. Le PIPA, un label fort, permet d’attirer les talents, mais cet attracteur a essaimé il y a aussi Transpolis, l’Académie Aéronautique ou une entreprise de meubles design bien connue en France et l’étranger, qui exporte 2/3 de sa production ; Ligne Roset, qui est installé à l’extérieur du PIPA, dans les villages du territoire comme Briord, St Rambert… Le seul problème de cette entreprise, c’est le manque de main-d’œuvre qualifiée, comme des couturiers ou des tapissiers. Pour répondre à ce problème, Ligne Roset a créé un centre de formation interne. C’est un excellent exemple d’une entreprise qui veut vivre loin des métropoles, grâce à un peu de « génie créatif », mais aussi en choisissant les produits qu’elle développe, et créant les talents dans une formation interne.
Est-ce que la RSE est un élément important au sein du PIPA ?
Les groupes Séché, Biomérieux, Plastic Omnium, Lactalis, Barilla, K-Line et bien d’autres ont un engagement très fort dans le domaine de la RSE. Beaucoup sont des entreprises familiales et ils ont une attitude très particulière, très responsable et très sensible à l’égard de leurs employés. Cette attitude est partagée par une énorme majorité des entreprises du PIPA, qui est devenu un vrai dénominateur commun. Cette attitude s’étend par osmose, au-delà du PIPA, par exemple le groupe cimentier VICAT fait partie des mécènes du festival « Le printemps de Pérouges » dont la grande scène se trouve sur le PIPA. Ce groupe joue un vrai partenariat avec le territoire, il est récemment entré dans le capital de la SEM que je préside, l’Accélérateur des mutations de l’espace public (ACMUTEP) qui étudie le développement urbain des « villes nouvelles » et qui est un pendant de Transpolis, spécialisée dans le domaine des transports. Nous envisageons de construire de façon différente, écoresponsable.
Quels sont les liens entre les diverses échelles territoriaux et la place du PIPA dans ce contexte ?
L’intercommunalité, fédère le territoire autour du PIPA et donne la capacité de travailler ensemble pour réaliser des projets d’envergure – départementaux, régionaux, mêmes nationaux, voire internationaux. L’intercommunalité est donc un lien extrêmement important. Notre région – Auvergne Rhône-Alpes – a la chance de pouvoir vraiment décliner les politiques d’avenir du pays, par exemple, dans le domaine de l’hydrogène. Les liaisons avec la région marchent dans les deux sens : les informations descendent et remontent… et ça donne souvent des idées.
Nous avons actuellement un projet au sein du PIPA : l’« usine idéale », qui doit s’adapter au territoire, produire son énergie, rendre la vie professionnelle agréable, etc. Le PIPA veut avoir un « coup d’avance » et en faire profiter le territoire.
Un projet au sein du PIPA : l’« usine idéale », qui doit s’adapter au territoire, produire son énergie.
Un autre exemple c’est notre mise à disposition de terrains prêts à construire, immédiatement, de limiter les temps d’instruction et d’exécution, par exemple, nous faisons des études « faune-flore », tout au long de l’année, et les études archéologiques ont été faites partout. De ce point de vue le Parc est exemplaire et son succès tient aussi à cette immédiateté de construction.
Enfin je voudrais souligner, que l’on ne peut pas parler du PIPA sans parler de ce qui s’est fait il y a 40 ans et sans quoi le Parc n’existerait pas : la centrale nucléaire du Bugey à Saint-Vulbas. La centrale nucléaire est aujourd’hui complètement intégrée dans le paysage et dans les budgets des communes. La centrale existante va encore produire de l’énergie, grâce aux travaux de rénovation, pendant une dizaine d’années. Le territoire soutient la construction des EPR 2, qui sont des EPR entièrement français.
Propos recueillis par Didier Raciné
Rédacteur en chef d’Alters Média