Le projet pilote « Où atterrir ? »
LE COLLECTIF OÙ ATTERRIR ?

L’intervention de Bruno Latour dans le séminaire organisé par le Think Tank Alters et la revue Alters Média est publiée dans ce N° d’Alters Média.

Nous souhaitons compléter cette intervention en présentant le Projet « Où atterrir ?» menée par le consortium « Où atterir ? » en collaboration avec le philosophe et inspirée de son livre « Où atterrir ? Comment s’orienter en politique ». Le projet est présenté ici par le Collectif lui-même.

Jean-Pierre Seyvos, co dirigeant du Collectif, est interviewé dans le Dossier publié dans ce N° d’Alters Média suite à son intervention lors du Xe Printemps de Prospective de la Société Française de Prospective.

 

« Ce qu’on a l’habitude d’appeler crise écologique, il s’agirait plutôt d’une crise des conditions de subsistance des habitants. »

Le Projet pilote « Où atterrir ?» est une expérience artistique, scientifique et politique, d’une recherche- action qui vise à faire émerger une nouvelle description des territoires et de nouvelles formes de participation à leur transformation.

Le consortium Où atterrir ? réunit des citoyens, des chercheurs en sciences humaines (sociologie, économie, histoire des sciences), des chercheurs accompagnateurs de la transition écologique et démocratique, des urbanistes architectes qui s’intéressent aux nouvelles cartographies (notamment celles de la zone critique), et des artistes développant une pensée par les arts (conférence performance, création partagée, théâtre des controverses).

Ce collectif cherche à développer de nouvelles compétences et de nouvelles aptitudes à composer ensemble un monde commun, plus ajustées aux réalités terrestres :

  • Aptitude à la description et à l’enquête
  • Capacité à supporter la pluralité des points de vue, à prendre la parole en public, à élaborer des doléances ajustées
  • Capacité à l’analyse des sciences et des techniques par la cartographie des controverses, la philosophie, la sociologie et l’histoire des sciences
  • Capacité à cartographier ce que les scientifiques du système-terre appelle la « zone critique »
  • Capacité à supporter le stress inhérent aux situations ALTERS MÉDIA – N° 6 Septembre 2022 d’incertitude, à cultiver un état d’équilibre attentionnel, relationnel et émotionnel
  • Capacité d’écoute, de création en collectif, de composition et de représentation partagée. Il vise à proposer un processus d’espoir pragmatique qui cultive l’émerveillement, la connaissance et stimule la relance de nos capacités d’action.

 

Qu’entend-on par où atterrir ?

« Nul autre que le citoyen n’est en mesure d’explorer et de décrire ce à quoi il est réellement attaché. Et sans cette auto-description, point de compréhension réelle du territoire vécu. » Bruno Latour

Face à l’urgence, liée au nouveau régime climatique, de nouvelles formes d’actions doivent s’inventer. Mais les émotions que suscitent les inquiétudes sociales et environnementales peinent à s’incarner en politique. Et sans connaissance par les citoyens de leurs véritables intérêts, comment espérer passer à l’action et avoir une conduite politique cohérente ? Pour être à nouveau capable d’articulation et d’expression, ce projet propose d’accompagner chacun·e, dans un processus d’enquête personnelle et de description de ses propres conditions d’existence.

Bruno Latour offre un nouveau regard sur ce qu’on a l’habitude d’appeler crise écologique, il s’agirait plutôt d’une crise des conditions de subsistance des habitants. Ce qui était considéré encore comme une nature extérieure à nous est devenue ce qui compose notre sol même et assure la durabilité de nos conditions de vie. Il devient donc urgent d’avoir une description précise de notre territoire réel.

 

Quel est le territoire sur lequel nous habitons ? Pouvons- nous le décrire ? Quelles sont les entités indispensables à notre existence ? Ces éléments sont-ils menacés ? De quoi dépend notre subsistance ? En ce sens, la notion de « territoire » va bien au-delà du lopin de terre qu’on s’acharne à protéger, ou de l’identification fantomatique avec une nation quelconque. Il ne s’agit pas simplement de limites administratives – département, canton, pays, terroir, etc.– mais de l’ensemble des attachements qui assurent l’existence d’un individu ou d’un collectif, son « Pris dans le projet d’émancipation et de progrès de la révolution industrielle, nous avons développé un mode de vie indifférent à toutes les ressources qui le rendent possibles. Nous voilà « Hors sol » et mis en demeure d’atterrir, sans en avoir aucunement les outils. » terrain de vie.

« Pris dans le projet d’émancipation et de progrès de la révolution industrielle, nous avons développé un mode de vie indifférent à toutes les ressources qui le rendent possibles. Nous voilà « Hors sol » et mis en demeure d’atterrir, sans en avoir aucunement les outils. »

L’hypothèse est que, pris dans le projet d’émancipation et de progrès de la révolution industrielle, nous avons cru collectivement pouvoir nous détacher de toutes formes de dépendances : il nous fallait couper les multiples liens qui nous liaient à la Terre, à ses habitants non humains, au monde dont on tire notre subsistance – nous avons donc développé un mode de vie indifférent à toutes les ressources qui le rendent possibles. Nous voilà « Hors sol » et mis en demeure d’atterrir, sans en avoir aucunement les outils.

Le chantier est immense, car pour pouvoir revenir au « terrestre », il nous faut complètement changer de perspective et ré-apprendre, pas à pas, « tête de pipe par tête de pipe », à prêter attention à toutes les interdépendances qui nous font vivre, auxquelles nous sommes attachés sans nous en rendre compte.

Il nous faut réapprendre collectivement à nous décrire, à nous écouter, à partager ces descriptions, à nous accorder, afin de pouvoir se situer collectivement sur de nouveaux territoires. L’originalité du processus proposé tient à la diversité et à la complémentarité des approches – scientifiques, artistiques, car­­tographiques… – qui, à la fois, stimulent l’enquête menée par chacun, mais permet également de partager, de façon collective et créative, les descriptions produites.

Les sites suivants permettent d’approfondir : Site du consortium « Où atterrir ? »

http://ouatterrir.fr Site de Bruno Latour

http://www.bruno-latour.fr/ Site de S-composition

https://s-composition.eu Site de Soc

http://s-o-c.fr/index.php/ncd

 

Un projet pilote, soutenu par le ministère de la transition écologique

Assemblés par la compagnie et collectif S-composition, trois groupes d’habitants (un groupe d’adultes de la région Nouvelle Aquitaine, un groupe en région Centre et un groupe de jeunes de la cité scolaire Louise-Michel et Paul-Éluard de Saint-Junien) ont ainsi expérimenté et élaboré collectivement de nouveaux outils de description de leurs territoires.

Cette expérimentation s’est déclinée sous forme d’ateliers et de rencontres, de février 2020 à avril 2021. Le projet a fait l’objet d’une première restitution (non publique en raison de la situation sanitaire) le 24 avril 2021 puis d’une présentation publique de sa méthodologie le 25 septembre 2021 à la Mégisserie (87). Cette méthodologie est décrite dans le rapport final livré au ministère de la transition écologique, qui détaille l’ensemble des principes, des exercices et des dispositifs utilisés lors de ce projet pilote.

Ce rapport final a pour vocation de favoriser l’essaimage de cette démarche et répondre ainsi à des préoccupations grandissantes, urgentes posées par ce que Bruno Latour appelle « le Nouveau Régime Climatique ». C’est dans cette dynamique et cet état d’esprit, que la démarche se développe aujourd’hui au travers de nouveaux projets Où atterrir ? – nommés « bourgeons » – menés avec des collectivités territoriales, des entreprises, des lieux culturels, des universités, collectifs et structures de différentes natures.

 

Processus et étapes de la démarche Où atterrir ?

PHASE 1– Trouver son concernement

PHASE 2 – Mener l’enquête

PHASE 3 – Récit d’enquête – Controverses – Approfondir – réécrire

PHASE 4 – Faire apparaitre les nouveaux territoires – Paysage composé – Cartographie – Restitution Atelier- spectacle / Nouveaux cahiers de doléances – Remise en action du cycle politique

 

« Principe 1 – Décrire et pas discuter – pas d’opinion. »

Cinq principes mis en œuvre à chaque étape

PRINCIPE 1 – Décrire et pas discuter – pas d’opinion

Où atterrir ? met en place un certain nombre de dispositifs créés pour développer une aptitude à la description, et trouver des alternatives à l’expression habituelle des opinions – des dispositifs pour générer des auto-descriptions, et de nouvelles formes de description du territoire de vie.

PRINCIPE 2 – Mettre en jeu différents médiums

Les dispositifs proposés permettent d’expérimenter et d’hybrider constamment des exercices issus de plusieurs champs de pratiques (pensée philosophique, art oratoire, cartographie, création artistique musicale, théâtrale, chorégraphique…)

PRINCIPE 3 – Cultiver le collectif

Les dispositifs mis en place pour avancer dans les auto- descriptions se font en collectif, ce qui permet de se donner de l’énergie et de développer des capacités de partage, d’expression et d’articulation.

PRINCIPE 4 –– Enquêter de façon pragmatique

Les dispositifs « d’enquête » utilisés sont des exercices de pratique notamment issus de la philosophie des Sciences and technology studies (STS) – plus particulièrement celle de la théorie de l’acteur-réseau, plus connue sous le nom de ANT (Actor-network Theory) – développés dans les années 1980 par Bruno Latour, Michel Callon, Madeleine Akrich et d’autres chercheurs du Centre de Sociologie de l’Innovation de Mines Paris Tech.

PRINCIPE 5 – Habiter et se représenter autrement son territoire

Les dispositifs visent à se rendre sensible de différentes manières à de nouvelles définitions de ce qu’est un territoire, et à la façon de l’habiter.

 

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