La nouvelle grammaire des relations internationales au temps de la mondialisation !
Bertrand Badie - Professeur émérite des universités à l’Institut d’études politiques de Paris

L’agression russe en Ukraine est un des révélateurs de la nouvelle grammaire des relations internationales qu’a produite la mondialisation non gérée : une guerre mondia- lisée, à impact mondial massif dans un monde très fortement interdépendant. Mais l’histoire des relations de l’Occident avec la Russie post-effondrement du régime soviétique est révélatrice de l’absence de gestion globale des relations internationales, pilotées par des relations de puissance à puissance. Absence de gestion multilatérale qui a des conséquences profondes sur des crises globales (climatiques, écologiques, sanitaires, alimentaires…) qui nous impactent. La sécurité gérée à l’ancienne (dont la seule règle est la souveraineté) doit faire place à une sécurité globale et collective.

 

Bertrand Badie – Professeur émérite des universités à l’Institut d’études politiques de Paris, auteur de Vivre deux cultures, comment peut-on naître franco-persan.

 

Vous publierez en novembre aux Éditions Les Liens qui Libèrent un nouvel ouvrage « Le monde ne sera plus comme avant » ouvrant ainsi une nouvelle Collection « Le monde d’après » sous votre direction. Pouvez-vous nous en dire plus sur cette nouvelle collection ?

Quelle peut être cette nouvelle grammaire ?

La nouvelle collection « Le monde d’après » est issue de la collection « État du monde » que les Éditions La Découverte ont décidé de ne plus publier et que je dirigeais avec Dominique Vidal. Elle poursuit l’idée de bilan, mais avec une dimension prospective : il s’agit de penser le monde de demain. On a tendance à faire de l’histoire, des synthèses mobilisant les concepts du passé, sans regarder vers l’avenir, sans penser les ruptures. La collection s’ouvre sur l’idée de dépasser le lieu commun aujourd’hui répandu de « retour », « retour de la guerre », « retour des nations »…

Avec l’agression russe du 24 février, on a été bercé par l’idée qu’il s’agissait du prolongement d’une vieille histoire directement issue de la guerre froide. Or, rien n’est plus faux. Ce n’est ni la 3e guerre mondiale, ni le retour de la guerre froide : cette guerre est un phénomène totalement inédit qui se mesure à la vitesse avec laquelle la Russie a été mise en échec, autour de Kiev d’abord, en février-mars, puis, semble-t-il, maintenant dans le Donbass. Et cela en comparaison avec l’écrasement en quelques semaines de la Tchécoslovaquie en août 1968, par les chars sovié- tiques. À cela trois raisons, qui sont autant d’indicateurs de rupture et de changement de grammaire dans les relations internationales :

1. La force militaire qui était au centre de la pensée stratégique précédemment, n’est plus déterminante à elle seule, ni peut-être même à titre principal. Cette guerre à l’ancienne, réactionnaire, qu’a déclenchée Poutine, n’a obtenu que des résultats médiocres : peiner à prendre 20 % du territoire ukrainien en 6 mois, et aujourd’hui, perdre des milliers de km2 en quelques jours, montrent que l’échec est possible, indépendamment de tout rapport de forces stratégique. Les faillites de la force militaire se répètent après le Vietnam, l’Irak, l’Afghanistan et sans doute le Sahel. La puissance, dans son versant classique, devient impuissante.

2. La dimension sociale des conflits, sous une forme complexe, apparait clairement là aussi dans la guerre en Ukraine. Bien sûr, l’armée ukrainienne a été efficacement équipée par les puissances occidentales, bien sûr l’armée russe a révélé des faiblesses insoupçonnables, mais les ressorts de l’actuelle situation sont surtout à trouver dans la société elle-même. Cette guerre sociale a plusieurs composantes dont la dynamique déterminera le sort du conflit : la résistance de la population ukrainienne, peut-être la réaction de la société russe et certainement la résilience des sociétés européennes et occidentales sont absolument déterminantes, comme jamais dans l’histoire.

3. Dès les premiers jours, on a vu qu’il ne s’agissait pas d’une guerre mondiale, mais d’une guerre mondialisée, et cela du fait de la vitesse extraordinaire à laquelle elle a atteint tous les pays du monde ! Sur les cinq continents, on observe, on suit l’évènement : cette mondialisation de l’intérêt et de l’appartenance à ce système conflictuel est le reflet d’une guerre mondialisée. Le premier indice a été les deux votes de l’Assemblée Générale des Nations Unies, en mars 2022, aboutissant à la condamnation de l’agression menée par la Russie : il a consacré une forme d’isolement de la Russie, puisque seuls 4 pays l’ont soutenue (et quels pays : la Biélorussie, la Corée du Nord, l’Érythrée et la Syrie !). Cependant le nombre d’États qui se sont abstenus (représentant plus de la moitié de la population du monde) montre que l’Occident ne recueille pas l’adhésion qu’il aurait pu espérer. Les Pays du Sud cherchent une posture face à cette nouvelle situation de guerre mondialisée et leurs réactions complexes deviennent un paramètre inédit du nouveau jeu international.

 

« Cette guerre sociale a plusieurs composantes dont la dynamique déterminera le sort du conflit : la résistance de la population ukrainienne, peut- être la réaction de la société russe et certainement la résilience des sociétés européennes et occidentales. »

 

Vous indiquiez, dans le Grand entretien accordé en décembre 2021 à Alters Média, que « Les principales menaces sont désormais de nature systémique, et proviennent non d’un ennemi, mais du dérèglement du système international et des pathologies attachées à toute forme de globalité ».

Pouvez-vous préciser ce que vous appelez « dérèglement du système international et des patho- logies attachées à toute forme de globalité » ?

Le conflit russo-ukrainien s’inscrit bel et bien dans ce contexte d’insécurité globale. Bien sûr, il s’agit d’une guerre à l’ancienne, mais on voit en même temps que la conflictualité est reconstruite sous l’effet de nouveau contexte. Elle est requalifiée par l’entremise des grands enjeux globaux.

La question énergétique est projetée au centre de l’événement, engendrant une crise d’autant plus grave et aigüe qu’elle ne provient pas seulement du litige entre la Russie et l’Occident en matière de pétrole et de gaz, mais est alimentée par un contexte de précarité énergétique lié au réchauffement climatique et à la transformation de l’écologie mondiale. Cette logique systémique vient arbitrer le conflit : Poutine mise sur des hivers rigoureux pour espérer qu’ils pèseront sur les opinions et les décisions, que les choix stratégiques classiques viendront ainsi à être réinterprétés en sa faveur par l’effet combiné des enjeux globaux.

De même, l’insécurité alimentaire avait frappé les pays du Sud avant le conflit, alors qu’ils étaient déjà plongés dans des crises alimentaires liés au changement de paramètres de l’alimentation mondiale, à la désertification croissante, à la dégradation des conditions sanitaires observable depuis deux ans, ou à la croissance des inégalités mondiales. Du coup, là aussi, le chantage alimentaire est reconstruit et requalifié par les effets globaux.

Ainsi la part de la stratégie classique diminue en fonction du poids croissant du système global : quand on menait autrefois une guerre, la décision était essentiellement affaire de stratège et de choix princiers, donnant la victoire au plus fort et au plus rusé. Aujourd’hui, le poids du stratège et du décideur s’affaiblit : ils sont soumis l’un et l’autre à la pression du système global. Par l’effet de son dérèglement, personne ne peut plus décider de son cours.

 

« La mondialisation n’a pas été décrétée, personne ne l’a inventée, l’on n’a pas su saisir immédiatement l’ampleur du phénomène, ni l’analyser, ni le gérer. »

 

Ces phénomènes sont issus de la mondialisation, depuis au moins trente ans, comme vous le dites. Et l’on a vu des dirigeants (Mme Merkel par exemple) développer leur commerce avec la Russie et la Chine au point de s’en rendre complètement dépendants, en justifiant cela par l’idée que cela allait pacifier les relations internationales.

Comment, dans cette mondialisation, éviter cette dépendance ?

La mondialisation n’a pas été décrétée, personne ne l’a inventée, et on s’aperçoit que l’on n’a pas su saisir immédiatement l’ampleur du phénomène, ni l’analyser, ni le gérer. La mondialisation en soi est une chance, mais encore faut-il qu’elle soit gouvernée : dans le cas contraire, on risque de trouver des situations encore plus défavorables que dans le monde interétatique antérieur.

Dans le contexte actuel, la contradiction est effectivement énorme : se rendre de plus en plus dépendant de la Russie tout en étant incapable d’assurer une insertion de celle-ci dans le nouveau concert mondial et dans la sécurité collective ! Com- ment ne pas avoir pensé qu’une telle situation pouvait à tout moment générer une crise ? On aurait gagné doublement si on avait ménagé une place pour la Russie dans la nouvelle architecture mondiale : on aurait calmé ses ardeurs nationalistes et diminué les risques de guerre ; et on aurait pu assurer en toute sécurité les approvisionnements en gaz et pétrole.

Cette contradiction est très forte : l’Allemagne, qui a été un très bon élève de la mondialisation, a cru pouvoir en tirer profit. Elle s’est comme « donnée » à la Russie, sans voir la dépendance en matière énergétique qui lui en coûtait. Le même problème risque de se reproduire du fait des relations quelque peu méprisantes ou hautaines de l’Occident avec les pays émergents (Chine, Inde, Brésil, Mexique…) trop simplement considérés comme des « nouveaux riches », ignorant leur position nouvelle et complexe dans le jeu international. L’Occident est une nouvelle fois piégé par son arrogance ! Si l’on en vient à essuyer une crise majeure avec ces puissances émergentes, nous ne saurons pas la gérer car nous n’aurons pas su construire préalablement des relations internationales adéquates et renouvelées capables de les intégrer : le G20 aurait pu être un début, il est vite devenu une voie de garage ! Le monde ne se conduit plus comme avant, qu’il s’agisse de la Russie de Poutine ou de l’Inde et de l’Afrique…

 

« L’Occident est une nouvelle fois piégé par son arrogance ! »

 

Le cas précis de la Russie est important à étudier, car on en voit les conséquences et il est emblématique des relations à venir.

Comment aurait-on pu mieux gérer cette insertion de la Russie dans le concert international suite à l’effondrement de l’Union Soviétique, tout en res- pectant les aspirations légitimes des pays d’Europe orientale (Pologne, Pays Baltes…) à se protéger de possibles agressions de leur ancien occupant en rentrant dans l’OTAN ?

Se remémorer cette époque des années 1990 apporte des leçons : on l’a évoquée avec la récente disparition de Gorbatchev. Le mur de Berlin était tombé, il fallait reconstruire un nouvel ordre international. Cette intention était affichée à l’époque, et une tentative a été esquissée dans le sillage de la Conférence sur la Sécurité et la Coopération en Europe (CSCE) qui a conduit à la création de l’OSCE (Organisation de la Sécurité et la Coopération en Europe) qui, sur le papier, existe encore. Un « Partenariat pour la paix » a même été conçu, mais l’essai n’a jamais été réellement transformé.

Pourquoi ? L’Occident a encore une fois été victime de ses démons, croyant qu’ayant gagné la guerre froide, il pouvait étendre son hégémonie sur le monde entier. À l’époque, Il n’y avait personne en face (la Chine, sortant de Tian’anmen, n’était pas au niveau où elle est maintenant), l’occasion était trop belle ! On a oublié que l’Occident a lâché Gorbatchev pour soutenir Eltsine, pensant que ce dernier était un homme faible que l’on pouvait vassaliser. Cette politique a été menée de 1991 (25 décembre : chute de Gorbatchev) à 1995. La guerre en Yougoslavie a alors conduit le Kremlin à se raidir, mais les jeux étaient faits : l’OTAN avait été maintenue, malgré la disparition du Pacte de Varsovie. Et plus personne ne voulait poursuivre la construction de ce régime de sécurité en Europe (Madeleine Albright, Secrétaire d’État sous Clinton, était très marquée par la culture de la guerre froide).

Mais vous avez raison, des pays comme la Pologne, les pays Baltes… qui voulaient se protéger, à juste titre, ont adhéré à l’OTAN ; en contradiction avec les engagements pris avec Gorbatchev, mais non avec l’État russe. Pourtant l’OTAN n’a jamais été en soi une source de sécurité, la suite le montre. Elle n’a jamais été amarrée à un système de sécurité globale. Dans les années 2010 (notamment sous la présidence d’Obama en 2009-2017) un nouveau défi s’est manifesté venant des pays émergents, ainsi que le besoin d’un nouvel ordre mondial : la réponse n’a pas été de construire celui-ci, mais d’élargir à l’ancienne (et sans succès !) le cercle d’action de la vieille alliance en l’impliquant en Afghanistan, en Irak, en Libye. Et d’aucuns prétendent même que l’OTAN pourrait aujourd’hui regarder vers l’Indo-Pacifique (qui n’est pas dans l’Atlantique Nord, me semble-t-il !).

Cela veut-dire que nous avons perdu 30 ans, campés sur cette bastille occidentale dont les remparts sont l’OTAN, sans comprendre que l’ordre nouveau est privé de toute sorte de régulation.

 

« Pourtant l’OTAN n’a jamais été en soi une source de sécurité, la suite le montre. Elle n’a jamais été amarrée à un système de sécurité globale. »

 

Vous introduisez dans votre précédent ouvrage Les puissances mondialisées le cœur de votre thèse par les propos suivant : « La mondialisation a fait muter le principe même de sécurité qui est à la base de toute notre grammaire politique moderne : de nationale, la sécurité est devenue globale ».

À côté des dimensions d’ordre sécuritaire, y a-t-il d’autres dimensions à cette sécurité globale ?

Comment avancer et gérer cette « sécurité globale » ?

Voilà la nouvelle grammaire ! Cette sécurité était autrefois occultée, marginalisée, nationalisée, mais elle a toujours été un paramètre important de l’histoire de nos sociétés ! Elle était gérée, sous ses diverses dimensions (sanitaires, alimentaires…) essentiellement à l’intérieur des frontières, confiée pourrait-on dire à nos douaniers comme l’était le nuage de Tchernobyl qui nous aurait épargnés ! Aujourd’hui, ce traitement national est devenu largement insuffisant. Nous n’avons pas compris que, face à cette pelote devenue si complexe, le fil ne peut être tiré que par le « bout » qui fait sa globalité, et qu’il faut pour cela changer de grammaire. Autrefois, la négociation était avant tout un compromis entre États : la méthode maintenant ne marche plus. Et cela se voit, dans les discussions climatiques : on ne progresse pas, car, à l’instar des COP, on s’en remet exclusivement à la tractation entre États…

On doit admettre que désormais les insécurités globales ne peuvent être gérées que comme un tout : il ne s’agit pas de sauver le charbon polonais, la forêt brésilienne, car le problème est de réduire les gaz à effet de serre à l’échelle du monde, comme un mal commun. Nous dépendons ainsi d’une gouvernance globale qu’on doit activer et qui est d’ailleurs déjà en marche dans certains domaines : l’aviation civile, les systèmes de communication sont gérés globalement ! Mais le changement culturel est immense, aggravé par le poids des démagogies nationalistes qui se vendent bien sur le marché électoral : il n’est qu’à voir les succès de l’extrême-droite en France, en Italie, en Suède et ailleurs !

Il faut, pour cela, reconstruire les mécanismes institutionnels du multilatéralisme (comme l’OMS, la FAO, le PNUD…) ou en inventer de nouveaux ! Ces boîtes à outils existent et sont de grande qualité, mais mal traitées par les États. Ainsi l’OMS n’est pas victime d’elle-même, mais des États qui la boycottent et refusent de lui concéder des capacités pour travailler efficacement ! Ces chemins passent par la diminution partielle de la souveraineté, or les États et la classe politique ont peur de cette voie.

Le problème est que la mondialisation chamboule tout, suscite la peur et donc des contractions sociales dysfonctionnelles !

 

«On doit admettre que désormais les insécurités globales ne peuvent être gérées que comme un tout. »

 

Cela nous conduit à la question du droit : dans notre précédent entretien, vous avancez quelques pistes pour progresser dans cette idée de sécurité globale : il serait utile de « Considérer le climat et les parts constitutives de l’environnement telles que nous les connaissons comme des biens, avec leurs règles et leur loi » et vous précisez que « ces biens et les impératifs qui leur sont liés sont supérieurs dans leur capacité d’affirmation et de pression aux États eux- mêmes : ils s’imposent aux États plus que l’inverse ».

La question de la refondation du droit n’est- elle pas au cœur de l’effort pour cette sécurité globale, donnant des outils pour traiter des biens communs de l’humanité (dont le climat et les parts constitutives de l’environnement) ?

Cette thèse du rôle du droit doit beaucoup à Mireille Delmas-Marty, qui livrait un message d’optimisme. Si, dans une première lecture, notre système juridique repose sur le principe de souveraineté, encourageant les États à la résistance, des évolutions sont tout à fait possibles, notamment dans deux directions :

1. Du côté des juridictions, qui, de plus en plus, interprètent le droit classique de façon renouvelée, ouvrant ainsi à la prise en compte et la gestion des biens communs mondiaux. Cette nouvelle approche, plus globale et moins souverainiste, a contribué à mettre en échec les offensives trumpistes menaçant les biens communs de l’humanité, au nom de l’intérêt national. Le juge est un homme – ou une femme – et il interprète de plus en plus le droit dans un sens compatible avec les conditions nouvelles de notre monde !

2. Du côté du « droit mou » ou de la soft law, les progrès sont tout aussi remarquables. Il s’agit d’un système normatif inachevé, qui n’est pas doté de sanctions et 2 qui reste au niveau des principes. Mais à travers lui, on voit apparaître un effort d’énonciation qui agit sur les comportements et réduit heureusement le champ des possibles. Il touche les entreprises, les collectivités Territoriales, les échanges transnationaux, qui accor- dent une place de plus en plus grande à ces biens mondiaux. Ce sont les prolégomènes du nouvel ordre juridique !

Je n’ai jamais prétendu que tout cela pourrait aboutir à la liquidation de l’État-nation ! Celui-ci n’est pas prêt de disparaître, mais va devoir s’adapter et se transformer… Je persiste à penser que ce qui est intéressant est ce qui bouge, les changements à bas bruit. Les modes de pensée (y compris des hauts fonctionnaires) de 2022 ne sont pas ceux de 1922, il y a des impératifs nouveaux, des mentalités nouvelles, soyons attentifs, dans leur traitement, à la vie locale, au poids des villes, au « glocal » (global+local).

 

« Ces chemins passent par la diminution partielle de la souveraineté, or les États et la classe politique ont peur de cette voie. »

 

Et parmi les éléments nouveaux qui apparaissent, figurent la réalité des vivants et le poids de la nature dans nos vies (pensons au sanitaire, à l’alimentation, au climat). Ne pourraient-ils pas être pris en compte par le droit ?

De nombreux auteurs ont approfondi ces questions dont Jean-Hugues Barthélémy, dans son « Manifeste pour l’écologie humaine » qui développe l’idée de refonder le droit non plus sur la notion de « droits fondamentaux » (forcément limités aux humains qui seuls peuvent contracter), mais sur celle de « besoins fondamentaux en souffrance » (ce qui permet d’inclure la nature à la base du droit).

Qu’en pensez-vous, sur le principe ? N’est-ce pas là un élément de votre grammaire ?

Concernant le rôle de la nature dans nos vies, et sa qualification en bien commun, je suis totalement convaincu ! On a depuis longtemps cherché à se servir de la nature, alors qu’il nous faut vivre avec elle, la prendre comme partenaire. On a à son égard la même attitude que celles qu’on oppose aux autres régions du monde : arrogance et domination ! Or le monde animal n’est pas à notre disposition, pour se soumettre à nos caprices de chasseurs, d’hyper-consommateurs de viande, ou de toréros. Le monde animal est un partenaire, qui a autant que nous sa place dans l’univers. Une place que nous devons préserver pour des raisons multiples et, à nouveau, systémiques : la mise en péril de la biodiversité, c’est la mise en péril des équilibres globaux de l’univers dont notre propre avenir dépend. Nous paierons très cher l’atteinte à cette biodiversité. Bien sûr, ceci vaut aussi pour le monde végétal : si on continue à abattre massivement des arbres, pour des petits ou des grands profits, on met également en péril l’humanité ! Le bon argument pour la sécurité globale est l’argument de l’égoïsme, celui des menaces à éviter et qui pèsent sur notre survie. Éthique et utilité vont de pair !

 

« Concernant le rôle de la nature dans nos vies, et sa qualification en bien commun, je suis totalement convaincu ! On a à son égard la même attitude que celles qu’on oppose aux autres régions du monde : arrogance et domination ! »

 

Propos recueillis par Didier Raciné, Rédacteur en chef d’Alters Média

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *